Acte
I
Bleu
Sang
02
Octobre 2015
« (…)
La normalité. Un mot comme d'autres. Mais que signifie t-il, que se
cache-t-il derrière ces lettres?
Être
normal, ou être comme tout le monde. Dans ce cas, pourquoi dit-on
que chacun est unique?
Comment
peut-on définir quoi et qui peut être normal? (...) »
1. Seichi
Des
étoiles qui filent dans le bleu de la nuit.
Les
reflets d'une Lune de sang qui luit.
Le
bruit sourd des tambours.
Trois
heures avant le jour.
« Bienvenue
sur le chemin des Limbes du Makiavel, ma petite Alice au Pays des
Cauchemars. En espérant que tu apprécies ton séjour autant que tes
prédécesseurs. »
L'ombre
aux yeux rougeoyants et aux longues oreilles velues esquissa un
sourire narquois, laissant paraître la blancheur de ses dents
pointues, avant de s'enfuir en bondissant dans les ténèbres d'où
elle fût venue.
Le
bleu se fait morose.
Les
pupilles se reposent.
Un
trou sans fond.
Le
noir le plus profond.
04
Octobre 2015
« (…)
Si être normal signifie être banal, alors je préfère
l'anormalité. J'ai jamais rien fait comme les autres, et c'est un
peu ce qui fait ma fierté. Brûler leurs codes, qu'ils soient
vestimentaires, comportementaux, sexuels.
Non
pas que je m'en vante. C'est ma façon de m'affirmer. D'être fière
de ma liberté d'agir et de penser. Et je ne voudrais la changer pour
rien au monde (…) »
2. Kishou
Des
mots. Dits, écrits, criés, jetés.
Des
corps. Enlacés, défaits, dos à dos, démembrés.
Du
sang. Froid, chaud, rouge, bordeaux.
Des
larmes. De joie, de tristesse, d'incompréhension, de haine.
La
passion, dans ce qu'elle a de plus puissant.
Médolie
se réveillait douloureusement de sa nuit agitée. La jeune femme
soupira longuement, ouvrit péniblement ses grands yeux sombres
teintés de fard charbonneux, ses paupières qu'elle avait oublié de
démaquiller avant de tomber de sommeil, et vit...
05
Octobre 2015
« (…)
On me dit bizarre, ou extraordinaire. Discrète, ou excentrique.
Littéraire, ou scientifique. Facile, ou coincée. Caractérielle,
sans caractère. Complexe à déchiffrer. Tout et son contraire à la
fois.
Pourquoi
toujours chercher à me classer dans telle ou telle catégorie? Je
suis indescriptible, et c'est peut-être ce qui fait de moi quelqu'un
qui ne ressemble à personne d'autre.
Un
psy commencerait à parler de double personnalité : je tiens à
préciser à celui-là que je ne suis pas schyzo. Je suis bel et bien
seule dans ma tête.
Et,
la plupart du temps, dans la vie aussi... malgré les amis, les
amours, la famille, la solitude est bel et bien présente en moi...
et y restera. (…) »
3. Sora
La
lumière.
Les
pupilles s'épanouissent.
Un ciel
onirique, aux nuages sombres émeraudes, teinté de rouge amarante et
de vive turquoise, parsemé d'oiseaux colorés. Des dizaines, puis
des centaines d'autres créatures volatiles indiscernables se
rejoignaient, et semblaient se mener une bataille sans fin à travers
la peinture des cieux. Une guerre faite d'énergies contraires mais
complémentaires, de feu colère, de glace indifférence, d'eau
sagesse et de tonnerre dynamisme.
« Oh,
ça, ce n'est encore qu'un rêve. »
Encore
à moitié assoupie, mais ébahie devant ce tableau fabuleux qu'elle
scrutait avec attention, Médolie songea un instant à se rendormir pour
mieux se réveiller, puis après une courte réflexion, elle se dit :
« Cauchemar ou pas, ce rêve a l'air de valoir le coup d'être
rêvé pour une fois ! C'est pas tous les jours que j'ai droit à
une peinture céleste en mouvement imaginée par un fou tout droit
sorti de l'asile ». Elle s'étira tout en roulant sur
elle-même, et alors seulement, elle réalisa ses courbatures, puis
ce sur quoi elle reposait, un plancher de pierre au beau milieu de la
nature.
« Roh
putain j'ai mal partouuut ! » grogna t-elle.
« Et
moi donc... la vulgarité en moins » lui répondit une voix
masculine toute proche. « Bon, maintenant que t'es enfin
réveillée, tu vas peut-être pouvoir me dire où on est ?? »
Elle se
leva difficilement et scruta d'un œil noir, au sens propre comme au
figuré, l'étranger en chemise blanche assis à quelques mètres
d'elle, qui semblait la fixer depuis un bon moment.
« ...Non
mais t'es qui toi ? On se connaît ? Tu fous quoi dans mon
rêve ? »
L'homme,
visiblement âgé d'une trentaine d'années, explosa d'un rire
nerveux :
« TON
rêve ! Haha ! Cette prétention ! J'en reviens pas !
Surtout que tu viens à peine de t'éveiller ! Ben écoute,
qu'il s'agisse du tien ou du mien, peu importe, mais moi j'aimerais
bien que tout ça ne soit qu'un rêve ridicule ! Parce
qu'apparemment... euh...»
« Apparemment
quoi ? »
« Non
rien... tu verras par toi-même. »
« Mh
okay, encore un qui à quelque chose à cacher... »
« …et
encore une blasée de la vie ! Bref... on pourrait ptêt se
calmer et faire les présentations non ? »
En
détournant le regard, elle s'assit sur la pierre encore chaude de la
température de son corps et déclara : « J'aime pas les
gens, mais à toi l'honneur monsieur le dissimulateur. »
L'inconnu
hocha la tête : « Mon dieu quel caractère de... bref,
moi c'est Chris, 32 ans... et toutes mes dents » fit-il en
esquissant un rictus pour prouver ses dires.
« Ok, Chris. Appelle-moi Alice. On est d'accord, c'est un endroit plus ou
moins agréable ici, mais il faudrait penser à retourner chez moi...
enfin chez t... pardon chez nous c'est plus simple... »
« Ouais,
bah ma chère Alice, on va attendre un peu, que tu te réveilles
complètement vu comment tu es encore dans les vappes...»
06
Octobre 2015
«
(…) Mais ce ne sont que des on-dit, de « on » qui ne
cherchent qu'à rabaisser l'autre dans le but de remonter la propre
estime de lui-même, ou lui lancer des fleurs pour en recevoir en
retour.
Depuis
le premier jour de mon existence, je suis consciente que chaque
geste du quotidien n'est jamais totalement désintéressé.
Depuis
peu, je suis consciente que cela est valable également pour toutes
les choses de l'amour.
Nous
sommes humains, après tout. Des êtres qui se soucient guère de
l'avenir du monde et ne regardent que ce qu'ils ont laissé derrière
eux. (…) »
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